Julien Deslangle

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De l’utilité du discours transhumaniste

Ou l’urgence démocratique d’un débat sur le devenir de notre espèce

J’ai, dans mes précédents billets (voir notamment ici et ici), critiqué le transhumanisme, dénoncé ses dangers, reconnu, aussi, la diversité des projets qu’il recoupe, et précisé qu’on ne peut pour cette raison le rejeter en bloc. Le transhumanisme est pluriel, il est en lui-même un espace de débats.

Il me faut cependant aller plus loin, et souligner ce qui est à mes yeux l’utilité première du discours transhumaniste. Indépendamment de son réalisme scientifique, indépendamment du bien-fondé ou non de ses ambitions multiples et parfois contradictoires, le transhumanisme a pour principal mérite de nous faire prendre conscience que l’humain du futur sera sans doute différent de l’humain d’aujourd’hui ; que notre espèce continue à évoluer, et que la science et la technologie pourraient accélérer cette évolution, pour le meilleur ou pour le pire ; et, par conséquent, que certains des paradigmes les plus fondamentaux selon lesquels nous pensons ce que nous sommes et le monde dans lequel nous vivons – tels que notre besoin de respirer de l’oxygène ou d’avoir une alimentation diversifiée, ou la finitude de notre existence – pourraient un jour être remis en cause.

En somme, le transhumanisme nous invite à ne rien tenir pour acquis (leçon qu’il ne s’applique d’ailleurs pas à lui-même, puisqu’il repose sur une foi absolue dans le progrès).

Alors que le devenir de notre planète occupe à juste titre un vaste espace médiatique, le transhumanisme nous rappelle qu’il nous faut également réfléchir au devenir de notre espèce, et y réfléchir sous l’angle de son évolution plutôt que sous celui, bien trop binaire, de sa survie ou de son extinction. « Mutants » et « cyborgs » ne sont pas des fantasmes de science-fiction : quoi qu’encore très marginaux, ils sont déjà là !

Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille embrasser le credo transhumaniste, mais le débat qu’il soulève mérite davantage d’attention et d’éducation. Les questions bioéthiques, en particulier, ne peuvent être réservées à de savants cénacles, à des commissions reléguées à l’arrière-plan de l’agenda politique : au rythme auquel vont les choses, et si l’on prend la démocratie au sérieux, il y a urgence à porter plus franchement ces questions dans le débat public.

Ce billet doit beaucoup à deux livres passionnants qui ont stimulé ma réflexion : Futur – Notre avenir de A à Z, d’Antoine Buéno (Flammarion, 2020), dont j’ai parlé ici, et Généalogies et nature du transhumanisme, état actuel du débat, de Franck Damour, Stanislas Deprez et David Doat (dir.) (Liber, 2018), dont je parlerai sans doute un jour !

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