Réflexions, pensées et impressions, saisies au fil des jours
L’esprit chemine par les mots. Toute contradiction est assumée.
Pensée du jour #11
Les vérités trop simples n’offrent qu’un refuge précaire face à l’orage des événements.
Pensée du jour #10
Certains reprochent aux hommes et femmes politiques de changer trop souvent d’avis. Je leur reprocherais plutôt de n’en pas changer assez. En-dehors de ce qui est scientifiquement établi, la frontière est mince qui distingue une conviction d’un aveuglement. J’admire les esprits en mouvement, qui ne cessent jamais d’écouter et de réfléchir.
Cela dit, il est vrai que les opinions de certains ressemblent à des papillons de nuit : éphémères, fragiles, attirées par la lumière. La valeur d’un changement d’avis réside dans la réflexion sous-jacente, non dans son opportunisme politique.
Impression #7
Révolution française : l’Histoire avec une grande hache.
Pensée du jour #9
Les idées ne naissent pas dans le confort de l’entre-soi. De la même façon qu’il faut heurter deux silex pour produire une étincelle, la production d’une idée nouvelle requiert un choc, une adversité, ou du moins une rencontre avec l’autre.
Pensée du jour #8
Aux problèmes d’aujourd’hui, la politique apporte des réponses d’hier et la science promet des solutions demain. La bureaucratie met tout le monde d’accord en ne changeant absolument rien.
Pensée du jour #7
Les rides d’un front sont les rigoles creusées par l’écoulement des soucis, des peurs et des peines d’une vie.
Impression #6
Tu es une feuille d’arbre, légère et fragile, suspendue dans l’air, éphémère. Tu ne tiens que par une branche, reliée à un tronc qui s’ancre à la terre par ses racines. Une bourrasque ou un revirement de saison peuvent d’un coup te faire choir. Et pourtant, c’est par toi et par toutes les autres feuilles qui comme toi sont légères, fragiles et éphémères, que le vent peut, en vous gonflant comme des voiles, trouver la force de déraciner l’arbre tout entier.
Impression #5
Les cantiques sont des chants que les hommes adressent à Dieu. La quantique est le chant que Dieu adresse aux hommes.
Pensée du jour #6
La politique est l’art de gérer la complexité du monde. La bureaucratie est l’art de créer ou d’entretenir cette complexité.
Impression #4
Chaque mot est une étoile, chaque phrase une constellation. Tous les livres sont dans le ciel – à moins que le ciel ne soit dans les livres.
Pensée du jour #5
Ni maîtres ni esclaves, nous vivons tous entre chien et loup, dans le clair-obscur, sans savoir si c’est le jour qui se lève ou la nuit qui approche.
Sur la route de Damas
La route était certes en meilleur état du côté syrien – elle était comme neuve –, mais, sur chaque poteau de lampadaire, tous les cent mètres peut-être, figurait un grand portrait de Bachar el-Assad. Le même portrait, répété sur des kilomètres et des kilomètres, par-delà l’horizon, jusqu’à l’absurde – à défaut seulement de l’infini ou de l’éternité, fantasmes toujours déçus des tyrans.
Pensée du jour #4
L’or est un métal incorruptible qui corrompt le monde.
Impression #3
Le vent d’hiver s’engouffre avec fureur entre les immeubles vertigineux. La ville résonne comme un orgue.
Pensée du jour #3
Le luxe de demain pourrait être la vie privée. Pour leur divertissement, les gens riches s’offriraient un accès illimité à la vie de personnes modestes, qui n’auraient pas d’autre choix que de monnayer leur intimité pour assurer leur subsistance.
Impression #2
Les jours où je ne fais rien passent toujours plus vite que ceux où je m’active sans relâche. Le temps vide est plus liquide que le temps plein ; les occupations ne sont que viscosité.
Pensée du jour #2
Il n’est pas de révolution que ses plus ardents partisans ne puissent conduire dans le mur.
Impression #1
Mon esprit est une ville, avec ses palais luxueux et ses taudis branlants, ses marbres glorieux et ses égouts puants, ses jardins radieux et ses venelles sordides, ses larges avenues et ses cachots humides.
Mon esprit est une ville, et j’en suis à la fois seigneur et prisonnier.
Pensée du jour #1
La liberté est un océan – elle en a l’immensité, la profondeur et le mouvement. Sur cet océan, le bonheur est un îlot minuscule, battu par les vagues, et qu’une tempête peut engloutir à tout instant. Malgré sa fragilité, il n’y a pas plus de bonheur sans liberté que d’île sans océan.
Littérature et politiquement correct
Je rejette absolument la tendance qui voudrait imposer à la littérature les injonctions du politiquement correct, la soumettre à l’examen des sensitivity readers, ou la transformer en safe space, comme je rejette l’idée que l’on ne puisse écrire, même dans le registre de la fiction, que sur des expériences que l’on a vécues soi-même, ou sur des personnages qui nous ressemblent.