Littérature et politiquement correct
Je rejette absolument la tendance qui voudrait imposer à la littérature les injonctions du politiquement correct, la soumettre à l’examen des sensitivity readers, ou la transformer en safe space, comme je rejette l’idée que l’on ne puisse écrire, même dans le registre de la fiction, que sur des expériences que l’on a vécues soi-même, ou sur des personnages qui nous ressemblent.
Le combat pour l’égalité et pour une meilleure représentation des diverses identités est juste et nécessaire, dans l’art comme dans d’autres domaines, mais il ne peut aboutir par la censure, ni des œuvres passées, ni des œuvres présentes, ni surtout des œuvres possibles – car le risque premier est celui de l’autocensure.
L’art doit pouvoir continuer à choquer, à provoquer, à heurter les sensibilités, ne serait-ce que pour permettre une critique, un débat. Interdire une œuvre qui dérange, c’est aussi se priver de l’opportunité de dire ce qu’elle a de dérangeant, se priver de la nuance et du contraste.
Une littérature bien-pensante serait une littérature fade, une littérature sans ailes, condamnée à une mort certaine – car rien n’est plus périssable ni ne se démode plus vite que la morale de l’heure.